lundi 20 mai 2013

Comment voler une banque, de Donald Westlake







Dortmunder, le miroir perdant de Parker. Infichu par un défaitisme congénital de voir grand et n'ayant pas cette part de mégalomanie, ce besoin de dominer, indispensable pour aller au bout du délit. Dortmunder, dans ce coup, ne sert à rien, il n'a pas de fonction précise, hormis celle du « cerveau » commis d'office. Cerveau qu'il n'emploie cependant qu'à se convaincre (et essayer de convaincre les autres) que tout va de toute façon foirer comme toujours, parce que tout autour de lui, complices, victimes, police, se meuvent en roue libre, que dans cet univers dont il comprend pourtant suffisamment les rouages pour tenter de le dépouiller, il n'y a ni direction ni freins. Là où Parker a le mérite (discutable) d'être méchant avec les méchants, Dortmunder ne prendra jamais franchement position d'un bord ou de l'autre ; du bien ou du mal, il ne veut rien savoir, en un nihilisme qu'il s'impose, par un désir inséparable d'éviter les ennuis, tout en pratiquant une activité qui les élabore. Sans la chance qui lui donne la force de se lever le matin et la poisse qui lui donne les ailes pour s'enfuir le soir, Dortmunder ne serait rien. Il est le jouet d'une balance qui n'est pas celle de la justice.


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Comment voler une banque, Donald Westlake, Rivages, 2011, 282 pages.

dimanche 19 mai 2013

Flashfire, de Richard Stark



Parker, le miroir gagnant de Dortmunder. Personnage amoral et mécanique, Parker n'est pas homme à s'embarrasser d'une conscience. Il ne sait rien à se reprocher. Peut-être parce qu'il se révèle une machine à dézinguer du malfrat, du pourri, du malsain, tandis qu'il ne fait que voler les bonnes gens. Que leur assurance indemnisera, dit-il. Parker n'est pas bon, pas mauvais non plus, ni méchant, ni vicieux. Il coûte un peu cher à tout le monde, mais il ne fait pas le mal pour le mal. Il creuse dans le mal et il prend sa part.

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Flashfire, Richard Stark, Rivages, 2005, 272 pages.

samedi 18 mai 2013

Paiement Cash, de Elmore Leonard





Elmore Leonard aime confronter l'homme juste et l'homme mauvais, sans jamais tomber dans un manichéisme simpliste, justement parce que le juste n'est pas toujours bon. Les héros de Leonard sont des solitaires, et même si celui de Paiement Cash est marié (comme celui de Killshot, les deux récits sont proches), c'est un solitaire en ce sens qu'il est autonome. Le héros de Léonard est un homme debout qui bien souvent mise tout ce qu'il a comme tout ce qu'il aime. C'est un homme prêt à tout perdre. 
Mitchell est victime de maîtres-chanteurs, bientôt kidnappeurs, puis bientôt assassins. Mais Mitchell, non seulement ne se laisse pas intimider et s'entête à ne pas vouloir suivre leurs injonctions, non seulement il ne lâche rien, pas un dollar, mais en plus il est bien décidé à leur faire payer pour ce qu'ils ont fait. Le monde se retourne, la proie devient le chasseur et les crapules commencent à transpirer. Les gangsters se sont crus tout-puissants, ils découvrent qu'ils ont activé un mécanisme aux effets insoupçonnés et potentiellement dangereux.
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Paiement Cash, Elmore Leonard, 2010, Rivages, 304 pages.

vendredi 10 mai 2013

Les enfants humiliés, de Georges Bernanos



« On finit toujours par haïr une vérité volontairement méconnue, c'est là un des grands secrets de la vie, et c'est aussi celui de l'enfer éternel. », p.47.

« Si le monde moderne doit mourir, il crèvera de cette contradiction qui dès qu'elle parut ne fit qu'une goulée de la Révolution française. La guerre de tous est incompatible avec le gouvernement de tous et l'est à ce point que la guerre démocratique reste l'affaire des dictatures et particulièrement de cette forme essentielle de dictature qui est la dictature des consciences. », p.62.

« La guerre démocratique totalitaire, la guerre de tous par tous, et par tous les moyens, est une sorte de catastrophe dont les militaires et les politiques surveillent le cours en ayant l'air de le diriger, bien qu'elle reste aussi pratiquement inutilisable que les tremblements de terre et les marées. », p.70.

« La France ne ressemble plus aux Français, elle n'a ni leurs vertus ni leurs vices, ni aucun de ces défauts qui leur sont plus chers que leurs vices ou leurs vertus, elle ne parle même pas leur langage, elle ne dit rien, elle est l'idole muette d'un peuple bavard. L'Etat s'est substitué à la Patrie comme l'administration cléricale se serait substituée, depuis longtemps - si Dieu n'y mettait ordre - à la moribonde Chrétienté. », p.83.

« On a volé la France aux Français, depuis qu'on leur a mis dans la tête que la France était uniquement l'oeuvre de l'Etat, non la leur, que le seul devoir des bons français était de faciliter la tâche de l'état. », p.85.

« Le monde sait bien, au fond - du moins le prince de ce monde - que le christianisme n'est pas une idéologie, mais il agit constamment, systématiquement, comme s'il en était une. », p.149.

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Les enfants humiliés, Georges Bernanos, Gallimard, 1949, 265 pages.

mercredi 1 mai 2013

Scandale de la vérité, de Georges Bernanos




« J'attends que de jeunes chrétiens français fassent, entre eux, une fois pour toutes, le serment de ne jamais mentir, même et surtout à l'adversaire, de ne jamais mentir, de ne mentir sous aucun prétexte et moins encore, s'il est possible, sous le prétexte de servir des prestiges qui ne sont d'ailleurs compromis que par le mensonge. », p. 78.

C'est 39 qui débute et le pays commencera la guerre à genoux, ayant déjà plié devant Munich. Bernanos sait que la messe est dite et que celle-ci est aussi noire que l'âme de ses officiants. Il ne peut rien venir de bon de dirigeants incroyants.

« Nos héros sont des militaires ou des saints... », p. 8.

Et où sont-ils ? Il n'y en a plus. Des pacifistes et des littérateurs, voilà ceux qui peuplent le QG français. Des têtes qui chauffent à tenter de résoudre la quadrature du cercle : Hitler n'est pas un mauvais bougre. 

« Dans cet antique pays chrétien, il est à la fois risible et sinistre de voir un petit nombre de philosophes, d'esthètes imposer par la plume, la parole, l'action publique, leurs propres débats intérieurs à de braves gens qui depuis des siècles n'avaient jamais eu besoin de se confirmer par un système dans leurs fidélités naturels. », p. 49.

Démontrer l'impensable ; vendre le mal pour le bien ; creuser sa propre fosse ; faire aimer le mensonge.


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Scandale de la vérité, Georges Bernanos, Gallimard, 1939, 79 pages.
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